Le cerisier
Il m’a vue pousser et moi je l’ai vu se pencher.
Je m’appuyais contre lui lui caressais le flanc
Y blottissais mes peines de fille et gravais sur son tronc lisse des mots innocents.
Sur la plus grosse branche mon père installa avec deux cordes et une planche
La Balançoire.
Jusqu’au vertige alors elle secouait mon cœur y prenait de l’élan et m’envolait si haut
Que mes yeux enivrés d’avoir bu les nuages d’un coup me laissaient choir.
En Mai il revêtait sa parure de vierge froissée je le taquinais et gentiment le secouais
et lui sur mes cheveux quelques pétales de neige déposait.
Au mois de juin c’était la fête il rougissait et moi je le veillais et je chassais
les étourneaux et les merles gourmands.
On montait à l’échelle et on se chamaillait on accrochait les paniers et on les remplissait
pour les cousins et les voisins.
Nos lèvres se barbouillaient de jus carmin
on jouait à cracher les noyaux très loin
à pendre à nos oreilles les plus beaux fruits luisants
à faire croire que sur nos doigts c’était du sang.
On en oubliait toujours un peu à la cime.
Et puis après on s’en fichait
On l’abandonnait.
Mais pas La Balançoire.
Jusqu’au vertige longtemps
elle a secoué mon cœur.
Puis j’ai pris mon élan
me suis envolée loin.
J’ai perdu les nuages.