L'absente
Sa chambre est vide elle est partie
repartie
enlevée par l'amoureux qui me la prend
me la reprend
Bon je sais bien qu'elle revient toujours même si elle ne dit pas
quand
Même si c'est juste qu'il en soit ainsi
même si je sais que son cœur est en paix
pour l'instant
Elle me dit
souvent
Garde toujours ma chambre
Maman
Garde-la bien comme elle est
Ce sera toujours ma chambre comme si j'étais encore petite hein
N'empêche qu'aujourd'hui j'entre dans cette chambre
et qu'elle est vide
vide de fille
Je remonte en soupirant les draps froissés violets
Je tapote un oreiller
Je replie et replace dans l'armoire
son pull vert sa jupe noire
abandonnés à la va-vite juste avant
de partir
Sous le lit j'aperçois deux chaussettes trouées
Stylos barrettes mouchoirs et livres épars
sont en train de se livrer bataille
sur le bureau
se moquant du regard clair
de Rimbaud
de la fumée du cigare
de Camus
de l'orgueil du Bailly et du poids du Gaffiot
Sur les murs tout blancs
Bouddha et Gandhi ont chassé le Che
La poubelle déborde de brouillons froissés
Le coffre à secrets s'est à nouveau fermé
et c'est le chat qui désormais
va s'étaler
sur son fauteuil d'osier
Je referme la porte
sans bruit
sur les parfums de son âme
sur les espoirs qui la font femme
Mais bien sûr que dans mon cœur
sois-en sûre
ma grande fille
tu resteras pour toujours
ma petite.