Un temps fou, de Laurence Tardieu

Il y a six ans déjà …Maud, romancière, s’est senti troublée par un homme, un cinéaste, rencontré lors d’une soirée, un homme aux yeux gris, à la voix chaude et mélodieuse, qui en quelques heures « l’a désarmée, qu’elle aurait suivi à l’aube jusqu’au bout du monde, jusqu’au bout du temps » s’il le lui avait demandé…Mais au matin l'homme s'en est retourné à son mystère sans même un baiser, la laissant désemparée, avec ce frisson intense et inoubliable.

« Comment nous étions-nous dit au revoir ? Longtemps j’ai essayé de retrouver cet instant précis : l’instant de notre séparation. Mais il m’a toujours échappé. A croire qu’il ne s’était jamais produit… »

Le silence de l'absence. Et puis six ans après, un coup de fil de lui. Il l’invite à déjeuner et lui propose de travailler sur son futur projet cinématographique. La magie de l’attirance qui opère à nouveau. Le désir de vivre, de jouir, d’écrire. L’excitation des rencontres clandestines. Maud renait. Et l’on est embarqué alors dans les méandres de l’intimité de ce couple sensible et sensuel, tortueux et torturé, tendre et cruel.

Une vraie émotion s’est emparée de moi à la lecture de ces pages que j’aurais aimé écrire. C’est comme si Laurence Tardieu avait mis en mots mes propres émotions, mes sentiments les plus enfouis, mes souvenirs les plus douloureux. C’est comme si elle avait écrit mes silences. Je me suis dit qu’au fond, nous les femmes, pourtant si différentes, nous avions sans doute toutes en commun, dans nos gènes de femme, cet élan à se donner à tout prix, à s’oublier toute entière, à sacrifier chacun de nos instants à la pensée unique de l’autre, à l’obsession de celui-là même qui nous engloutit, nous transformant en victime ravie d’un bourreau qui s’ignore.

« Parfois, lorsqu’on aime trop quelque chose, on ne peut pas. On a peur. On a peur de ne pas être à la hauteur du désir qu’on a pour cette chose. »

C’est un beau livre DE femme POUR les femmes. Je pense qu’il ennuierait les hommes, qu’il risquerait même de les affoler! Et puis, gardons donc pour nous le secret de nos troubles émotions, de nos joyeuses souffrances, de nos passions tranchantes, de nos larmes de dépit. Ce qui fait peur à nos hommes. Ce qui fait de nous de vraies femmes.

Lauréate du prix Alain Fournier en 2006 pour « Puisque rien ne dure », Laurence Tardieu distille les émotions et les sentiments dans des romans à l'univers intimiste. Après des études de commerce et des débuts dans le monde de l'entreprise, l'écriture s'impose à elle comme une véritable vocation. Déjà auteur de plusieurs romans, ce n'est qu'en 2002 qu'elle parvient à publier « Comme un père ». S'ensuit plusieurs textes plébiscités par le public parmi lesquels « Le Jugement de Léa », récit sur une mère infanticide publié en 2004, ou « Rêve d’amour » paru en 2008, qui évoque le sentiment de l'absence et du manque affectif. En parlant de son métier d'écrivain, Laurence Tardieu parle d'abandon à l'écriture et à l'émotion.

Un voyage dans son intime. Dans notre intime.